Robert Morris , Card File, 1962
Tiroir de fichier métallique, monté sur planche de bois, fiches cartonnées
68,5 x 27 x 4 cm
Card File (en français tout simplement fichier) répond au projet d’une œuvre entièrement tautologique, qui n’est constituée que de sa propre histoire : rien qu’une série de fiches, alignées dans un classeur de type Cardex, regroupant par ordre alphabétique les données constitutives de l’œuvre. A "Décision", on peut lire la liste des premières fiches et la date de leur choix ; à "Erreurs" le recensement des fautes d’orthographe contenues dans les autres fiches ; à "Titre" le titre ; à "Signature" la signature de Morris, etc, la plupart des fiches renvoyant l'une à l’autre. Ce jeu virtuellement infini est arrêté par décision arbitraire au 31 décembre 1962, comme l’indique la fiche "Travail".
Card File anticipe le mouvement de l’Art conceptuel qui s’efforce, dans les années 60 et 70, d’appliquer aux arts visuels un modèle issu de la philosophie du langage (en particulier celui de J. L. Austin, dont les articles ont été publiés sous le titre How to do Things with Words*, littéralement "comment faire des choses avec des mots"). Joseph Kosuth, l'un des principaux acteurs de ce mouvement, reconnaît dans Card File une œuvre fondatrice, d’ailleurs citée dans d’innombrables articles et publications sur l’Art conceptuel comme une référence essentielle.